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Plume fantastique -Le fantastique est l'art de rendre possibles les rêves des fous-
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18 mars 2014

Le Baiser

Ils se font face. Leurs visages se frôlent. Plus rien ne bouge, il n'est plus au monde aucune présence, aucune absence susceptible de briser leur intimité, l'ultime barrière entre eux et le monde, une muraille immense de silence, renvoie au loin les échos, et les laisse seuls. Seuls tous les deux, seuls dans un néant rempli des caresses dont ils rêvent; mais ils n'osent pas encore, ils savourent ce dernier instant d'individualité qui crée entre eux une trop fine couche où voudrait s'insinuer, sans succès, le reste du monde. Bientôt ils briseront cette ultime défense de leurs corps et s'abandonneront l'un à l'autre, dans le secret le plus total. 

De seconde en seconde, l'espace rétrécit, jusqu'à n'être qu'un ruban. Ils sont deux aimants qui s'attirent tout en se rejetant, ils veulent se fuir mais incapables, ils sont la proie et le prédateur à la fois. Ils se regardent mais pas dans les yeux. Leurs lèvres, serpents qui attendent patiemment de se jeter l'un sur l'autre, de faire croquer la pomme, leurs lèvres frémissantes sont le seul centre d'attention, le point de convergence de leurs espérances, le plus grand danger de leur personne, la fin et le début, la vie et la mort à un pas.

Enfin, déjà, la résistance se brise. Le bouclier du monde vole en éclats, et ses parcelles s'évaporent dans le ciel sans que ni l'un ni l'autre ne se rende compte des conséquences de cette hardiesse. Ils se touchent à présent, leurs visages se confondent, leurs yeux se ferment, et leurs lèvres se rencontrent. Ils sont sourds aux murmures du dehors mais une symphonie se joue pour eux dans leur coeur, ils sont aveugles mais des couleurs trop vives les éblouissent, ils sont senteur, touché, goût. Tous leurs sens se confondent dans une explosion douloureuse d'images, qui se mêlent pour n'être plus qu'un seul panorama. Ils sont devenus un. Un être complet, parfait, un ange dans sa plus pure expression.

Ils tournent. Ils s'envolent. Leur image se fixe. Ils sont là, mais sont déjà morts, déjà un souvenir. Ils tournent, ils s'envolent, à jamais dans un ciel infiniment clos.

Il s'aiment.

 

Le Parc - Aurélie Dupont and Manuel Legris

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