Le conte

Il est tard, il est tôt. Je suis seule. Les images virevoltent sous les voix en écho de mon esprit qui s'évade. Dans des grottes et des caves où la marée déverse des papillons aux ailes translucides comme les lames d'argent. Les guitares et les blés murmurent à l'oreille du vent qui les porte vers un ciel d'étoiles plus immense que cette photo que j'ai cloué à mon mur. Et je plonge dans l'océan de plumes qui peuplent le sillage de mes songes. Les oiseaux dansent et leur ailes caressent mon visage ainsi que les pages des livres sur lesquels on s'endort. Et le conte glisse par delà de géantes montagnes qui le regardent passer avec douceur. Il y a dans cette immensité de rares éclats de lucidité, et mon front pâle voit de la lumière dans la sombre cristal. La lune est en proie aux mangeurs de feu et leurs ailes noires s'abattent sur elle pour n'en laisser que le squelette froid, qui soupire de son soleil envolé. Il y a dans les forêts des chants plus doux, ce sont ceux des cascades qui nourrissent leurs enfants les mousses de leurs cheveux sans âge. A boire à leur source, je sens mon corps transporté de leurs comptines. Quand le vent atteint mon visage, l'horloge de la grande dame à la faucille sonne. C'est un puits sans étoiles et sans vœux qui s'ouvre en dessous de moi. Les draps me réceptionnent dans ma chute, mais mon coeur pleure sa peur éventrée. A mes côtés, le gardien souffle son repos paisible les yeux clos, le visage trempé d'autres contes dont il me protège une main au flanc. Le coeur bat moins fort pour ne pas réveiller celui qui soupe de conquêtes derrière ses cils de choucas. Il attend la faveur de la montée des anges dans leur silence de gaze pour mener l'histoire à son terme. Ce songe, ce n'est pas un rêve.  

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